lundi 14 septembre 2009

Marcher


"Des temps les plus archaïques à la Préhistoire, du néolithique à l'Antiquité, du Moyen Âge au siècle des Lumières et jusqu'aux premières anées du XXè siècle, les hommes et les femmes ont marché - ils allaient à pied jusqu'aux champs (comme ils le font encore dans de nombreuses parties du mon monde), ils se rendaient à pied jusqu'aux lieux de culte, ils marchaient pour aller chercher de l'eau ou se distraire. Marcher était aussi naturel que manger ou respirer. (...)

Dans la région où j'habite, certains paysans parcouraient chaque jour la trentaine de kilomètres qui séparent Hartland de Torrington pour se rendre sur leur lieu de travail. Le même trajet, effectué aujourd'hui en voiture, n'a certainement pas la même saveur. Car la nature entière accompagne le marcheur. Tout ce qu'il voit, tout ce qu'il éprouve, tout ce qu'il respire - les eaux brunes de la Torridge, la fraicheur presque piquante d'un massif d'ail sauvage, les tendres pousses de cerfeuil qui se nichent sous les haies, la course des alouettes à travers le ciel, l'apparition d'un bourg à l'horizon - l'invite à l'émerveillement et à la contemplation.

Lorsque vous marchez, vous n'êtes plus seulement spectateur de la nature mais en contact prolongé avec elle. Vous voilà plongé dans une profonde rêverie. Vos pieds foulent la terre, vos bras fendent l'air, votre torse accompagne le mouvement de vos jambes; sous vos yeux surgissent des scènes, des paysages, tantôt lointains, tantôt proches, tous différents; le vent caresse votre visage. Peu à peu, vos pieds se fatiguent, votre esprit tout entier semble contenu dans le rythme de la marche - vous marchez, donc vous êtes. La marche comme la respiration nous relie à la Terre. Elle nous permet aussi de prendre la pleine mesure de notre propre réalité.
Bien sûr, vous n'éprouverez rien de tout cela si vous partez en voiture. Coincé dans un caisson métallique lancé à grande vitesse, vous ne verrez rien et vous ne sentirez rien. Vos membres resteront inertes, vous ne remarquerez pas les subtiles variations de température d'un endroit à un autre et vous n'aurez pas le temps d'apprécier le paysage. Les voitures nous permettent d'arriver plus vite à destination, pas de savourer le trajet."

Extrait du livre "Les pouvoirs du silence" de John Lane

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